RECHERCHE

mercredi 12 octobre 2011

Le FPI a-t-il les moyens de survivre à son fondateur Laurent Gbagbo ?


 
ALASSANE OUATTARA - CÔTE D'IVOIRE - LAURENT GBAGBO


Après dix années au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI), parti de Laurent Gbagbo, entend s'imposer comme un "contre-pouvoir" au régime d’Alassane Ouattara. Un pari difficile pour une formation politique décapitée de ses cadres.

Par AITV (vidéo)
Trésor KIBANGULA (texte)
 
Alors que les élections législatives ivoiriennes se profilent à l’horizon – elles doivent, en principe, avoir lieu avant la fin de l’année -, où va le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ? Cinq mois après l’arrestation de l’ex-président et sa récente inculpation pour "infractions économiques", l'ancien parti présidentiel a amorcé un timide retour sur la scène politique ivoirienne en organisant, dimanche, dans le quartier abidjanais de Koumassi, son premier meeting depuis la fin de la crise post-électorale  Objectif : "sortir de la torpeur" dans laquelle l’a plongé la chute de son fondateur, le 11 avril.
Pour le FPI, tout ou presque s’est écroulé lorsque Laurent et Simone Gbagbo, terrés dans leur bunker, ont été arrêtés le 11 avril dernier par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), favorables à Alassane Ouattara, aujourd’hui président de la République.
Reste que la tâche s’annonce longue et difficile. Si Augustin Guehoun, le chargé de communication du FPI, se réjouit du fait que "le parti n’ait pas été dissous" par les nouvelles autorités, Gilles Yabi, le directeur du projet Afrique de l’Ouest à International Crisis Group (ICG), estime pour sa part que le FPI de Laurent Gbagbo est aujourd’hui "très fragilisé".
Parti décapité
L’ancienne formation au pouvoir a tout, en effet, d’un parti décapité. Plusieurs de ses cadres ont pris le chemin de l’exil ou ont subi le même sort que Laurent et Simone Gbagbo, à l’image de Pascal Affi N'Guessan, l’ex-président du FPI, arrêté en avril puis inculpé en août d’atteinte à la sûreté de l’Etat en compagnie de 11 autres dirigeants de la formation.
Quant à l'ancien président de l'Assemblée nationale Mamadou Koulibaly, celui sur lequel le parti aurait pu s’appuyer pour amorcer sa résurrection, il a claqué la porte. Constatant que son projet de dresser "l’inventaire de dix années de pouvoir du FPI pour tirer les leçons du passé et construire un grand parti d’opposition" ne convainquait pas ses camarades de l’aile dure du parti, il a décidé de créer sa propre formation politique.
C’est finalement un ancien secrétaire du parti, Miaka Ouréto, qui a pris, pour l’instant, en charge la relève.

Droit d’inventaire

"Il faudra encore du temps pour que ce parti se relève", estime Gilles Yabi, de l’ICG. Le chercheur y voit deux raisons : non seulement le FPI porte une lourde responsabilité dans le déclenchement de la crise post-électorale, mais il lui faut aussi faire le bilan de ses dix années au pouvoir. Et le bilan n’est pas "glorieux".
"Le parti de Laurent Gbagbo ne payera pas seulement pour son implication dans les violences post-électorales, mais aussi pour sa gestion économique du pays, explique le spécialiste. Plusieurs cadres de cette formation politique ont été associés aux scandales de corruption pendant qu’ils étaient aux commandes des affaires publiques."
Un "passé lourd" dont le FPI ne semble pas vouloir se dédouaner. "Dans l’exercice du pouvoir, nous avons commis certes des faits reprochables, concède Laurent Akoun, le porte-parole de l’ancien parti présidentiel. "Mais contrairement à d’autres, nous [le pouvoir de Laurent Gbagbo et le FPI, NDRL] n’avons jamais bradé la souveraineté de l’Etat ivoirien". Un argument que le parti compte bien faire valoir dans son rôle de premier parti d’opposition à Alassane Ouattara, lequel a bénéficié du soutien de la communauté internationale lors de la crise post-électorale.
"Nouveau contrat social"
Aujourd’hui, le FPI souhaite "s’ériger comme un contre-pouvoir institutionnel", souligne Laurent Akoun. Mais dans sa lutte pour la reconquête du pouvoir par les urnes, le FPI doit convaincre ses adversaires et les électeurs qu’il a changé. "On essaye déjà de confier des responsabilités aux nouveaux cadres, tout en travaillant avec les anciens qui sont arrêtés ou en exil", explique Laurent Akoun.
Dans les faits en revanche, le parti peine encore à s’affranchir de l’influence d’anciens membres encore échaudés par l’atmosphère de chasse aux sorcières ayant accompagné la chute de Gbagbo. "Ceux qui sont restés au pays sont encore aussi préoccupés par leur avenir judiciaire et matériel : seront-ils poursuivis ou pas ? La question les inquiète au plus au point", explique Gilles Yabi.
En attendant qu’une hypothétique loi d’amnistie clarifie la situation, les nouveaux dirigeants sont réticents à l’idée de partager avec la presse une quelconque stratégie électorale. "C’est encore trop tôt. Les nouveaux dirigeants du pays doivent nous donner les garanties nécessaires avant de participer à un quelconque scrutin", répond Laurent Akoun
Les prochains mois détermineront sans doute si le FPI dispose des moyens de survivre à ses fondateurs. Gilles Yabi y croit. "Contrairement à beaucoup de partis africains associés à la personne de son créateur, le FPI a le mérite de s’être construit comme une structure." Reste à convaincre les hommes de s’engager dans un "nouveau contrat social", comme Laurent Akoun l’appelle de ses vœux.

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